Les femmes au conseil d’administration, mise à jour 2022

Le monde fait-il des progrès raisonnables pour accroître la proportion de femmes dans les conseils d’administration ? Les données indiquent que non. Les femmes occupent à peine 20 % des sièges des conseils à l'échelle mondiale, et continuent à être exclues des plus hauts niveaux de direction des entreprises.
Written on 26/09/2022

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En 2011, lorsque le programme mondial sur les conseils d'administration de Deloitte a commencé à étudier le nombre de femmes siégeant dans des conseils d’administration à l’échelle mondiale, le débat sur l’égalité entre les sexes parmi les plus hauts dirigeants commençait à peine. Depuis, l’augmentation de la représentation des femmes à la table des conseils d’administration est devenue un véritable mouvement : de plus en plus de pays ont mis en place des initiatives pour aborder la question de la parité hommes-femmes, le débat a pris beaucoup d'ampleur et, par conséquent, les chiffres se sont améliorés. Certains pays, comme la France, ont déjà augmenté leurs chiffres de façon considérable suite à des quotas mis en place par le gouvernement. Plus de 40 % des sièges aux conseils d'administration des entreprises françaises sont désormais occupés par des femmes.

Le rapport de Deloitte de cette année a montré que la situation évolue, mais lentement. La moyenne globale du nombre de femmes occupant des sièges aux conseils d’administration s'établit juste en-dessous de 20 % (19,7 %), une augmentation d'à peine 2,8 % depuis le dernier rapport, publié en 2019 (figure 1). À ce rythme, le monde n'atteindra pas la parité avant au moins 2045, dans plus de vingt ans. Bien que le changement soit toujours inacceptablement lent, le rythme a légèrement accéléré : le dernier rapport de Deloitte prévoyait que la parité serait atteinte en 2052, indiquant que l’échéance a été réduite de près d'une décennie.

Figure 1

Un effet d´entraînement prononcé

Comme on a pu le voir dans les éditions précédentes, le rapport de cette année a révélé une corrélation claire entre les femmes occupant des postes de haute direction et les femmes aux conseils d'administration. Les conseils d’administration les plus diversifiés ont tendance à se trouver dans les entreprises dont les PDG ou les présidents sont des femmes. Les entreprises dont les PDG sont des femmes ont des conseils d’administration beaucoup plus équilibrés que celles dirigées par des hommes — 33,5 % de femmes contre 19,4 %. Les statistiques sont similaires pour les entreprises avec des femmes présidentes (figure 2).

De la même manière, une étude de Deloitte se concentrant sur les femmes dirigeantes dans l’industrie des services financiers a dévoilé des preuves solides indiquant l’existence, au niveau organisationnel, de ce que l'étude appelle l’effet multiplicateur : l'ajout d'une femme au sein de la haute direction a entraîné l'intégration de trois femmes à des postes de direction senior. L'étude a également mis en évidence les programmes de mentorat et de parrainage comme des moyens pour accroître le nombre de femmes leaders des services financiers et leur ancienneté ;

 

Figure 2

Exiger que plus de femmes rejoignent des conseils d’administration au moyen de quotas ou d’autres règles est clairement une façon d’augmenter le nombre de femmes, mais cela ne règle pas un autre problème, soit la durée du mandat des femmes à leur poste de direction. Là encore, le rapport de cette année démontre une disparité claire entre la durée du mandat des femmes et de celui des hommes au sein des conseils d'administration dans le monde. En 2021, il y avait une différence de deux ans et demi en moyenne dans la durée du mandat entre les hommes et les femmes. Les femmes occupaient des postes au sein de leur conseil d’administration en moyenne pendant 5,1 ans, contre 7,6 ans en moyenne pour les hommes. Ces chiffres étaient similaires à ceux observés en 2018 (figure 3) et étaient quasiment identiques pour les conseils d'administration avec des présidents féminins et masculins, ne dévoilant ainsi que peu voire aucun effet de causalité. Quelle est la cause de cette différence de durée ? Les femmes choisissent-elles de viser d’autres postes de direction ou exécutifs ? Est-ce parce qu’un grand nombre de femmes n'ont rejoint les conseils d'administration que récemment et ne sont donc pas à leurs postes depuis aussi longtemps que leurs homologues masculins ? La question de la durée des mandats mérite d’être approfondie davantage.

Les candidats habituels ? Examiner plus en détails les viviers de talents pour les femmes

Un autre problème clé que le rapport a révélé est que les entreprises choisissent souvent parmi un groupe de « candidats habituels » — une très petite liste de femmes bien connues et bien intégrées dans les réseaux — pour occuper des postes au sein du conseil d’administration. Lorsque certains pays ont établi des quotas, il y a eu des inquiétudes, et des critiques, concernant le fait que les mêmes femmes seraient choisies pour siéger au sein d'un grand nombre de conseils d’administration. Et, du fait de l’insularité de ce même petit groupe de femmes, les conseils d’administration seraient moins diversifiés qu’ils ne semblent l’être. En France, les journalistes ont appelé ces femmes les « jupes dorées », et ont pointé du doigt un petit groupe de femmes très intégrées dans les réseaux auxquelles on a demandé d’occuper un bon nombre des nouveaux sièges disponibles au sein de divers conseils d’administration.

En 2016, Deloitte a tenté de voir si cette critique tenait dans la pratique. Deloitte a développé son propre critère de mesure, le facteur d'extension, pour évaluer le nombre de sièges de conseils d'administration détenus par un individu dans un marché en particulier. Plus le facteur d’extension est élevé, plus le nombre de sièges de conseils d'administration occupés par le même dirigeant dans un pays donné est important. Ainsi, les pays avec les facteurs d’extension les plus élevés avaient des conseils d'administration exploitant le moins les viviers de talents en matière de leadership. Au niveau mondial, le facteur d’extension pour les femmes a légèrement augmenté par rapport à l’édition précédente, de 1,26 à 1,30 (bien qu’il reste quasiment inchangé par rapport à 2016 [1,31].) Les hommes, par comparaison, ont un facteur d’extension de 1,17.

Il s’avère que les pays avec les facteurs d’extension les plus importants pour les femmes (l’Australie (1,43), les États-Unis (1,34) et la Nouvelle-Zélande (1,33)) ont tous abandonnés les quotas au profit d’approches volontaires. En fait, les pays européens qui ont adopté des quotas de façon précoce, comme la Norvège, ont des facteurs d’extension nettement inférieurs. La raison expliquant ce phénomène est un peu un mystère. Les pays ayant choisi l'approche volontaire ont-ils opté pour la solution de facilité, en recrutant principalement des femmes dans des viviers de talents familiers ? Ou les pays avec des quotas ont-ils été forcés de recruter plus largement ? Les deux explications sont plausibles.

Dans l’ensemble, les résultats de cette année révèlent que les entreprises du monde entier doivent encore redoubler d’efforts pour recruter et retenir plus de femmes (et d’autres dirigeants de groupes sous-représentés) au sein des conseils d’administration si elles veulent accorder la priorité à la diversité, à l'équité et aux initiatives d'inclusion au sein de leurs organisations et aux plus hauts niveaux. L’égalité des sexes au sein des conseils d’administration ne sera atteinte que si/lorsque la plupart des entreprises dans le monde auront pris ces mesures critiques.

Auteur : 

Dan Konigsburg
Responsable mondial de la gouvernance d’entreprise

dkonigsburg@deloitte.com
+1 212 492 4691

Publié avec l'autorisation de Deloitte : https://www2.deloitte.com/us/en/insights/topics/leadership/women-in-the-...