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Évolution des Bermudes et impact sur la concurrence pour les actuaires

Entretien avec Patrick McAleer, Directeur, International Actuarial – Emerald Group, sur l’évolution actuelle du paysage de la (ré)assurance aux Bermudes, la récente tendance à l’implantation de nouveaux réassureurs aux Bermudes et l’impact de cette implantation sur les marchés de la réassurance, sur le travail des actuaires et sur la concurrence mondiale. Patrick McAleer a étudié l’économie internationale et occupe actuellement le poste de directeur de l’équipe internationale du groupe Emerald.
Written on 18/09/2023

1) Les Bermudes sont réputées pour être la « capitale mondiale du risque ». Pourriez-vous expliquer le contexte de ce terme ? 

Devenues le premier marché dans ce domaine, les Bermudes sont un réel pôle pour les captives d’assurance et de réassurance depuis des décennies. Elles abritent aujourd’hui un certain nombre d’assureurs et de réassureurs. Face à la demande croissante des entreprises et des besoins du marché, le pays, l’économie et l’autorité de surveillance des assurances se sont engagés à agir. Bien que d’autres marchés aient vu le jour et se soient développés entre-temps, les Bermudes restent la référence en matière de risque dans le monde de l’assurance et de la réassurance. Les entreprises s’y sont installées notamment pour des raisons fiscales, mais un offre d’actuaires, de souscripteurs et de professionnels expérimentés de l’assurance est désormais inscrite, conférant aux Bermudes ce privilège pour les nouvelles entreprises du secteur qui s’y installent. Les réassureurs et leurs collaborateurs voient dans les Bermudes l’endroit où ils veulent et doivent se positionner.

2) Quels secteurs spécifiques du marché de l’assurance et/ou du marché financier sont aujourd’hui particulièrement représentés aux Bermudes ?

Les Bermudes ont toujours été le théâtre d’un vaste marché pour l’assurance risques et accidents, et le plus grand fournisseur de réassurance risque de catastrophe pour les assureurs américains. Les domaines couverts par le marché n’ont cessé de croître. De nombreux réassureurs se sont également tournés vers des offres alternatives de transfert de risques, des solutions liées à l’assurance et des obligations catastrophes. Ces dernières années, le nombre de réassureurs vie et de captives installés aux Bermudes a augmenté de façon significative. Auparavant un marché fort restreint sur l’île, un certain nombre d’assureurs vie ont désormais créé de toutes nouvelles branches de réassurance, voire des sociétés de réassurance vie.

3) Ces derniers temps, les réassureurs ont tendance à se délocaliser à l’étranger. Est-ce lié à certains événements ou développements mondiaux, par exemple sur les marchés financiers, qui ont déclenché une forte attraction des Bermudes ? 

La tendance récente de nouveaux réassureurs à s’établir aux Bermudes s’explique par la législation locale, qui permet aux entreprises travaillant avec des clients d’assurance américains d’opérer dans le cadre d’un ensemble rationalisé d’exigences réglementaires, sans avoir à fournir de garanties supplémentaires en matière de capital ou de surveillance. Combiné aux avantages fiscaux d’une implantation aux Bermudes, le tout permet davantage de flexibilité aux entreprises. Le marché a récemment connu une énorme croissance des sociétés d’acquisition en run-off, les réassureurs établis et nouveaux cherchant à se développer en acquérant des portefeuilles fermés, les compagnies d’assurance souhaitant vendre leurs portefeuilles et améliorer leur ratio de solvabilité. Ces sociétés d’acquisition y voient une large opportunité d’augmenter la valeur et de croître rapidement – fait remarqué sur le marché et dont les avantages financiers ont été reconnus, ce qui a conduit d’autres acteurs à y faire affaire. Le marché a donc continué à se développer.

4) Dans quelle mesure cette tendance affecte-t-elle les marchés actuels de la réassurance et le travail des actuaires ? 

Puisque tant d’opérations sont souscrites et calculées depuis les Bermudes et doivent légalement être traitées depuis ce pays, un important ensemble d’actuaires se trouve sur l’île. À distance, ces travaux ne peuvent être effectués que de manière limitée. Comme le nombre d’entreprises ne cesse d’augmenter, il y a un besoin constant d’actuaires et de mathématiciens financiers travaillant soit en interne, soit pour des sociétés de conseil qui agissent en tant qu’actuaires ou les aident à développer leurs activités. Le nombre de sociétés de conseil aux Bermudes a également augmenté en raison de l’évolution du marché et d’une demande plus importante de comptables et de conseils actuariels. Les actuaires peuvent donc généralement acquérir un large éventail d’expériences aux Bermudes dès le début de leur carrière. Les entreprises sont assez économes en raison des coûts de recrutement et des permis d’immigration pour les nouveaux collaborateurs, ce qui permet aux actuaires et autres professionnels de l’assurance de travailler dans un certain nombre de domaines.

5) Un impact pourrait se faire ressentir sur la concurrence déjà étroite pour attirer les talents dans la profession d’actuaire. Comment les recruteurs peuvent-ils prospérer face à la concurrence d’outre-mer ?

La demande d’actuaires sur l’île est constante. Les entreprises continuent de se développer ou d’ouvrir de nouveaux emplois, qu’il y a donc constamment sur le marché. Un grand pool d’actuaires est déjà présent. On se demanderait presque pourquoi les entreprises ont besoin de recruteurs. Les employeurs sont protégés pendant deux ans : le permis de travail des collaborateurs qui s’installent aux Bermudes est lié à l’employeur pendant cette période. D’autre part, la carrière de nombreux actuaires progressera plus rapidement aux Bermudes que sur d’autres marchés. Ils sont également bien rémunérés par leurs employeurs. Les possibilités existantes, leur rôle et l’obligation de visa de deux ans attirent et satisfont les nombreux actuaires des Bermudes. Et ils y restent. Une demande pour les agences de recrutement en résulte, et ces agences fournissent de nouveaux actuaires à leurs clients. Les marché est tellement concurrentiel que les employeurs ont tout à gagner à faire appel à un recruteur capable de leur trouver rapidement des candidats. Chez Emerald Group, nous recrutons des candidats qui ne se fient pas uniquement aux sites d’emploi, et nous ouvrons notre recherche à d’autres candidats.

Le monde des actuaires est également petit parce que les qualifications sont reconnues au niveau international et que les entreprises sont actives sur différents marchés. Les actuaires du monde entier apprennent à connaître différents systèmes de réglementation. Ils peuvent donc déménager pour les Bermudes et rapidement se différencier, car ils sont déjà familiarisés avec le travail local. Ayant moi-même placé des actuaires du monde entier aux Bermudes et sachant que les clients sont désormais flexibles quant à l’origine des actuaires, le groupe Emerald peut mettre en relation les clients avec des actuaires internationaux et contribuer à répondre à la demande.

6) Regardons vers l’avenir : vous attendez-vous à ce que ce processus de délocalisation se poursuive ? Quelles seront les conséquences pour la gestion des risques ?

Tant que les Bermudes s’engageront dans le monde de la réassurance/de l’assurance, je m’attends à ce que la demande d’actuaires et la nécessité de les attirer sur l’île persistent. Dans le monde d'après la pandémie, les entreprises sont plus flexibles. Mais la plupart veulent toujours une interaction sociale. Les actuaires doivent donc être sur place dans leur bureau sur l’île. S'y ajoutent les exigences légales et le désir de nombreux actuaires de vivre et de travailler aux Bermudes ; je m’attends donc à ce que la tendance à la relocalisation se poursuive et à ce que davantage de postes continuent à se libérer. Ceci, ajouté au fait que de nouveaux réassureurs/assurances et captives s’installent constamment, renforce davantage le besoin de délocalisation.

 

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